Que l’on soit ou non passionné de jeu vidéo, difficile d’oublier la Paris Games Week de 2019 et son incroyable arène d’esport en VR. Du jamais vu à cette échelle (1 000 m²), une technologie qui n’existait pas encore quelques mois auparavant, une file d’attente qui a pu atteindre sept heures pour quelques minutes de test… Derrière cette prouesse : EVA (pour Esport Virtual Arena) une entreprise cofondée en 2018 par Stéphanie Belle, William Klein et Jean Mariotte. Ce dernier est l’invité de ce mois. En très peu de temps, EVA est parvenue à inventer une discipline à part entière : une application esportive sur un seul jeu en réalité virtuelle (VR).
Jean Mariotte, aujourd’hui CEO, est un gamer passionné et un entrepreneur foisonnant d’idées autour du numérique. L’arrivée de la technologie Oculus et HTC Vive en 2014 lui donne des idées. C’est d’abord juste un jeu VR : After-H qui n’est pas encore en « free roaming » (déplacement libre) comme aujourd’hui. Mais la qualité du jeu dépend trop de la technologie dont dispose le joueur. C’est ensuite la fourniture clé en main du jeu et de l’équipement à des salles spécialisées. Mais là encore, l’aspect « arcade » de l’ensemble n’offre pas satisfaction : l’expérience n’est pas renouvelable, elle ne tient pas sur la durée, contrairement aux classiques des jeux vidéo comme League of Legends. Il faudra inventer autre chose. Et l’opportunité de ce stand lors de la Paris Games Week 2019 changera tout.
Dès lors, EVA est devenue le « rêve de gamer » de Jean Mariotte. Ce sont d’abord des arènes de jeu XXL de 500 m² contre 200 m² habituellement pour les plus importantes (chez Zero Latency par exemple). C’est ensuite une expérience globale, depuis la réservation mobile jusqu’au verre/pizza d’après match. Sans oublier les interactions sur les applications Twitch ou Discord avec la communauté des joueurs. EVA, c’est aujourd’hui une équipe de 30 personnes et une prévision de croissance très impressionnante (voir pour cela l’actualité de l’invité).
Enfin, EVA ce sont des inspirations et un modèle parfois à contre-courant des standards constatés dans les loisirs. Jean Mariotte nous en dira plus en toute fin de portrait.
Alors sans plus attendre, on s’échauffe, on s’équipe et on entre dans l’arène pour une partie avec l’invité du mois !
Vos sorties loisirs préférées (après EVA bien sûr) ?
Je suis un grand fan de sport de glisse : kite surf et ski. Mais je suis aussi un grand gamer sur PC : Warzone, League of Legend, Starcraft, , …
Vos souvenir « loisirs » les plus marquant ?
C’est à 8 ans, quand j’ai reçu la console Sega Master System avec le jeu Double Dragon ! Ensuite, adolescent, j’ai de bons souvenirs de parties de paintball. J’ai d’ailleurs toujours préféré ça au laser game car beaucoup plus compétitif et exigeant.
Ce qui vous plait le plus dans le divertissement ?
J’aime son aspect « communauté » et les rencontres qu’il permet. Chez EVA on commence à voir des habitués, une sorte de petite famille. J’aime aussi son impact sociétal : celui d’apporter des loisirs de proximité et une bouffée d’air à ceux qui partent peu en vacances.
Les loisirs c’est aussi l’émotion et la création de souvenirs très forts.
Ça représente quoi pour vous un lieu de loisirs dans la ville ?
Ça représente une vraie mission sociétale dans la vie des gens. L’ère des loisirs a maintenant remplacé celle du travail. Je pense que les loisirs font la ville désormais.
Votre ville préférée ?
Paris est ma ville de cœur. Mais j’ai de plus en plus une aspiration à vivre en dehors de la ville.
L’enjeu des métropoles de demain selon vous ?
Ce sont des enjeux autour de l’environnement, de la qualité d’air ou du bruit. Il s’est passé beaucoup de choses dans la tête des gens pendant le covid avec toutes ces villes à l’arrêt.
On a tous compris qu’une ville c’est aussi un lieu où il doit faire bon vivre avec plus de nature et d’espace. On attend autre chose de la vie urbaine, plus de fluidité aussi dans les déplacements.
Votre premier projet d’entreprise ?
Le premier devait être le réseau social d’une grande école. J’ai aussi monté une agence de communication et d’innovation dans le digital, une application mobile d’offres d’emploi, une société d’Information Technology en Inde, …
Aujourd’hui je suis à 100% sur EVA. Une concentration qui est la clé du succès, nécessaire mais non suffisante !
Votre devise ?
« Seule compte l’expérience joueur ! »
Un joueur satisfait est un ambassadeur. Il faut rester à l’écoute de sa communauté.
Pour finir, un conseil à donner à ceux qui veulent se lancer ?
Celui d’abord de se lancer tôt ! C’est mieux car on a moins de contraintes. Dans certains cas, l’insouciance de la jeunesse c’est bien !
Ensuite c’est « Focus ! ». Monter une entreprise requiert beaucoup d’attention. Il ne faut pas s’éparpiller. Cette aventure est un marathon et non un sprint. Il faut persévérer sur la durée et naturellement apprendre de ses échecs.
Un mot sur l’actualité ?
L’actualité d’EVA, c’est déjà un grand nombre d’ouvertures. D’ici cet été, c’est Lille, Poitiers, Lyon, Rennes, Tours et La Réunion qui vont accueillir les premiers joueurs. Nous aurons 30 salles en France d’ici fin 2022. Tout est développé en franchise car nous avons beaucoup de demandes. Et fin 2024, nous aurons une centaine de salles en France avec un vrai maillage territorial.
Nous préparons aussi cette année des ouvertures aux Etats-Unis, le plus gros marché de l’esport. Un réseau de salle à l’échelle mondial nous permettra de faire vivre un écosystème autour de notre concept.
Côté jeu, nous poursuivons en continu l’amélioration d’After-H Battle Arena avec ajouts et mises à jour. Et d’ici la fin d’année, nous lancerons un nouveau jeu compétitif exclusif ! Je n’en dis pas plus mais sachez juste que ce ne sera pas un shooter ! En effet, nous pensons que l’esport est maintenant mûr pour devenir une discipline olympique dès 2028. Il est donc nécessaire qu’un jeu adapté soit édité.
Question bonus : L’esport est un univers à part, bien particulier. En quoi cela a guidé votre développement ?
Dans la conduite du projet EVA, plusieurs orientations ont été à contre-courant de ce qui pouvait et peut encore se pratiquer dans les loisirs en Location Based Entertainment :
– Nous avons par conviction privilégié l’expérience joueur à tout type de « rendement » visiteur/m² comme c’est parfois le cas. Nous avons donc 10 joueurs maximum pour 500 m² mais avec un taux de remplissage très élevé de nos créneaux.
– Nous n’avons pas opté pour un public large « kids and family » mais pour un public cible très spécifique qui demeure important : les 10 millions de fans d’esport parmi les ados et jeunes adultes. Ça génère de la fréquentation en soirée surtout. Alors quand il n’y a pas de joueurs habitués nous accueillons des événements B2B car le jeu se prête à tous les niveaux, du débutant à l’expert.
– Sur la question du lieu, nous avons privilégié la qualité et un accueil chaleureux. L’approche Starbucks nous a inspiré pour sa capacité à faire rester les gens dans un lieu agréable autant qu’à vendre des cafés. Par exemple, des lieux comme Arkose l’ont aussi bien saisi. Aujourd’hui, les recettes du F&B comptent pour 30% de notre CA.
– Enfin notre principale différence par rapport à l’essentiel des acteurs de la VR est de dépasser l’ « arcadisation » ou bien la seule expérience VR isolée. After-H est un jeu unique qui prend du sens avec une récurrence de pratique, avec les évolutions du jeu, avec ses nouveautés. A chaque nouvelle partie, on remet les compteurs à 0 et chacun retrouve les mêmes chances face à des joueurs de même niveau. Ensuite, un système de ligue, de compétition, de tournois inter-salle entretient la dynamique.
– Notre modèle de croissance est 100% en franchise pour être efficace dans l’étape du « scale » et pour rapidement tisser un bon maillage territorial ! Et nous privilégions des fonctionnements autonomes plutot qu’en FEC où les quelques salles que nous avons sont moins performantes. Néanmoins nous travaillerons certainement une sorte de showroom géré en propre pour préparer nos prochains développements.
– Enfin, notre communication. Beaucoup de lieux de loisirs ont une communication essentiellement locale. Nous, nous cherchons à faire connaître cette nouvelle forme de loisirs et d’inciter les joueurs d’une communauté à venir une première fois. D’où notre présence sur les réseaux sociaux où nous investissons beaucoup.
Merci à Jean pour ce portrait !