Pour la plupart des loisirs urbains de proximité, le niveau de revisite du public est un enjeu de performance clé. Si plusieurs concepts fidélisent déjà naturellement les visiteurs, d’autres ont besoin de travailler spécifiquement ce paramètre afin d’assurer leur pérennité. Exemples avec deux nouveaux concepts, bientôt ouverts en France et présentés par celles et ceux qui les développent.
Faire venir mais aussi revenir le public
A la différence des sites de loisirs de destination qui vont attirer sur de grandes distances et motiver une visite longue voire un séjour, les loisirs de proximité sont notamment caractérisés par des zones de chalandise réduites (15 à 25 min de trajet) et un bassin de population par conséquent limité. De ce point de vue, les enjeux de performance en matière de croissance sont donc :
- Diversifier son public : individuels, famille, groupes, B2B,…
- Faire revenir ce public : plusieurs fois dans l’année afin de générer de nouvelles dépenses sur place (billetterie et consommations)
Sur ce second point, notons que de nombreux lieux de loisirs sont naturellement générateurs de revisite :
- Activités sportives : une revisite naturelle liée à l’idée de compétition, de performance et par la variété des partenaires de jeu. Des visites souvent associées à un style de vie social. Dans une certaine mesure, les activités esportives relèvent de également de ce type de revisite.
- Activités de loisirs dérivées d’activités sportives : bowling, karting,… a peu près pour les mêmes raisons !
- Activités culturelles : une revisite par le renouvellement de la programmation, des évènements,…
- Restauration et lieux festifs, …
Des lieux conçus pour la revisite
Sur les activités de pur divertissement, les grands lieux que sont les FEC (Multi-activités) génèrent de la revisite par le nombre d’activités potentielles (plus de 10 dans les derniers lieux ouverts), par leur offre F&B et leur programmation évènementielle. En outre, ils se positionnent comme un véritable lieu de vie fréquentable plusieurs fois dans l’année et ce pour des raisons bien distinctes (team building, anniversaire, soirée, évènement, forfait « tout inclus »,…).
Du coté du jeune public, la diversité est, de fait, plus restreinte mais le visitorat se renouvelle plus rapidement (déménagement des familles, passage aux âges supérieurs,…). Néanmoins, la revisite est pour eux un puissant vecteur de performance. Ainsi, les Kids Parc et les Trampoline Park sont devenus un reflexe de sortie par mauvais temps, pour les anniversaires ou d’autres évènements. Cela génère une forte revisite (trois visites par an en moyenne dans un Gulli Parc). Le Laser Game, de ce point de vue, est également un loisirs à forte revisite car il emprunte aussi à la performance et au scoring.
Les limites de l’escape game
Dernière révolution des loisirs indoor, l’Escape Game avait finalement ce grand défaut : les salles étaient rarement rejouées et le public ne revenait qu’à la condition d’un réinvestissement de renouvellement.
Sur d’autres concepts récents imaginés depuis, la revisite n’est pas forcement naturelle et elle doit être fortement encouragée afin d’aller au delà de l’effet nouveauté et du plaisir de la découverte. Les nouveaux lieux des loisirs sont de plus en plus nombreux et donc de plus en plus en concurrence entre eux. Mais ils le sont aussi avec d’autres formes de divertissements facile d’accès comme les réseaux sociaux et le streaming qui envisagent la revisite sous une forme, plus problématique, d’addiction.
L’analyse pourrait se poursuivre en évoquant l’expérimentation des offres illimitées et autres abonnements, sur modèle des salles de fitness, mais ce serait un tout autre sujet. Et pour le moment, rares sont les sites de loisirs a avoir franchi le pas (Jokoani à Caen, Flip Out en Angleterre).
Revisite et nouveaux concepts
Mais si l’on s’en tient aux seules activités comme moteur de la revisite, deux ouvertures récentes de concepts innovants donnent un premier aperçu des solutions possibles :
- Pucks (Paris) propose une expérience de shuffleboard augmentée d’une interaction vidéo. Plusieurs jeux sont possibles via cette interface. Renouveler ces modes de jeux permettra d’inciter le public à revenir, même s’il a déjà pratiqué l’activité.
- Idem chez Pan (Paris), où les expériences de tir pourront être renouvelées régulièrement via l’interface vidéo avec un changement de cibles, de décors, d’animations, de mode de scoring,…
Mais dans d’autres cas, la revisite est plus étroitement associée au développement et à la mise en œuvre du concept. Deux exemples, bientôt ouverts en France, avec Activate (Hadrena) et Eclipsium.
Activate : entretien avec Sarah Lion, Directrice
Premier exemple avec cette une enseigne créée et développée en Amérique du Nord et récemment entrée dans le portefeuille d’Hadrena en vue d’un développement en France et dans certains pays européens.

Sarah, pouvez-vous tout d’abord nous parler de votre parcours et de votre arrivée dans le secteur des loisirs.
J’ai une formation initiale en école de commerce suivi d’une dizaine d’années d’expérience professionnelle. J’ai commencé dans le conseil en data et digital. Ensuite, j’ai rejoint différentes start-ups pour le développement de nouveaux produits et concepts. Après plusieurs années dans la tech et le digital, j’ai voulu revenir à un secteur plus concret, avec plus de perspectives de pérennité notamment en matière de rentabilité. Le secteur des loisirs correspond bien à cela. J’ai appris à découvrir ce secteur que je ne connaissais que comme cliente occasionnelle !
Puis, quand on y travaille, on réalise que c’est un secteur très large, avec des concepts qui existent depuis des décennies et une vague d’innovation, particulièrement forte en France. J’ai voulu apporter mon expérience tech et digital pour automatiser et repenser certaines choses, en me concentrant sur le client. J’ai rejoint Otium Leisure (maintenant Hadrena) et l’équipe du studio pour lancer et développer des nouveaux concepts, en étudiant des segments de marché et en trouvant des entrepreneurs pour lancer ces projets avec eux. Le studio est notre deuxième levier de croissance chez Hadrena, avec le M&A
Comment s’est effectué ce rapprochement avec Activate ?
Au studio, nous avons une approche par segment de marché. Nous identifions les concepts de manière exhaustive pour comprendre les dynamiques, les tendances et identifier ensuite la meilleure opportunité pour Hadrena. J’ai spécifiquement étudié le segment de l’action Game en allant tester à peu près tous les action games du marché, en France et aux États-Unis.
C’est ainsi que j’ai découvert Activate, grâce à leur forte présence sur les réseaux sociaux. Un concept très différenciant sur le marché et dont nous avons poussé l’étude très loin.
Le rôle du studio est de repérer les concepts pertinents puis de rechercher un entrepreneur pour le développer. Mais après une étude approfondie et beaucoup d’échanges avec leur équipe, j’étais tellement convaincue par le concept que j’ai décidé de j’ai décidé de me lancer en tant qu’entrepreneur sur Activate.
Pouvez-vous décrire Activate avec vos mots ?
Activate, c’est une expérience d’une heure en équipe, proposant des défis et challenges dans un environnement futuriste et immersif. C’est un concept mono-activité mais assez grand avec 900 à 1 000 m² d’emprise.
C’est à la fois très spectaculaire et accessible. On peut vraiment y passer un bon moment entre amis, collègues ou famille avec enfants à partir de 8 ans. Mais on peut aussi choisir une pratique avec un haut niveau de performance avec des joueurs très engagés.

Comment Activate se positionne t’il sur l’enjeu de la revisite ?
C’est la variété des défis et les niveaux de difficulté proposés qui en font une activité permettant beaucoup de visites répétées. Chaque salle propose entre 5 et 8 jeux différents, chacun avec deux modes (compétitif et collaboratif) et 10 niveaux de difficulté. Une équipe qui vient chez Activate pour la première fois découvre environ 5% de l’offre disponible.
Le concept a cherché à dépasser les limites opérationnelles de l’escape game avec :
- une capacité d’accueil importante
- des charges de personnel réduites
- un faible re-investissement pour maintenir le concept attractif et générer de la revisite.
L’augmentation par le numérique de défis plutôt physiques permet cela.
La notion de visite répétée s’entend-elle aussi au niveau de l’ensemble des action games du portefeuille d’Hadrena ?
Oui. Activate cible une audience adulte, jeune adulte, active. Ainsi, il est complémentaire à Fort Boyard Aventures (plutôt familial) et Koezio (plutôt axé B2B). Activate reste ouvert à ces publics. Mais nous espérons surtout créer des synergies entre les concepts en incitant le public à revenir pour tous les tester.
De par le public visé, nous positionneront Activate dans des grandes villes avec des bassins d’audience larges. Activate sera ouvert la journée, le soir et les weekends. Nous voulons donc des emplacements avec une offre complémentaire loisirs et F&B à proximité pour disposer d’une taille critique et créer des synergies.
La transition du l’Action Game à l’Active Game est intéressante. Il montre que le jeu peut devenir plus actif. On constate également que le sport et le fitness, des activités très “répétables” cherchent à devenir de plus en plus ludiques. Bientôt des cours de sport chez Activate ?
Oui, ce serait possible ! Les mouvements occasionnés par les activités sont répétitifs et peuvent faire monter le cardio. On pourrait presque imaginer des cours de fitness basés sur ces mouvements. Faire de l’exercice sans avoir l’impression d’en faire pourrait mieux diffuser la pratique sportive dans la population, notamment les plus jeunes et permettre une activité sans écran.
C’est au final plus une question d’identification auprès du public. Suis-je un lieu de sport ou de fun ?
Cela peut-il aller jusqu’à organiser des compétitions ?
Oui ! Activate a déjà lancé des tournois des champions dans les pays où il est implanté. Après 6 mois d’ouverture, un site peut entrer dans cette logique de championnat. L’idée est d’avoir un tournoi en continu avec des champions mensuels et annuels, et peut-être des ligues ou tournois inter-pays.
Revenons au développement du concept : comment appréhendez vous le déploiement en Europe ?
Nous avons un accord de développement exclusif sur 3 territoires : France, Iberia (Espagne et Portugal) et Benelux.
La France sera notre plus gros marché en Europe, car c’est le plus mature en termes de variété et de nombre de points de vente. Le Benelux est un marché assez proche et l’Espagne évolue avec une offre croissante en loisirs indoor.
En Europe, les produits sont axés sur les Action Games plutôt « matériels » type Fort Boyard. En Amérique du Nord, ils sont passés directement à des concepts plus tech et numériques. Travailler avec Activate permet d’importer cette expérience différenciante en Europe.
Les mécaniques de jeu sont simples et universelles. Importer Activate en Europe nous permet d’initier l’ouverture d’un nouveau chapitre : l’Active Game, qui mobilise le corps et encourage la collaboration.
L’ouverture est prévue pour cet été à Imagipark à Val d’Europe (77). Y a-t-il une date précise ?
Nous prévoyons une ouverture à l’été. Eclipso, l’expérience d’exploration VR d’Hadrena était initialement prévue pour Imagipark. Mais il nous a semblé plus pertinent de réserver cet emplacement pour le lancement France d’Activate. Des surfaces sont équivalentes et en dehors de quelques détails, il n’y a pas eu de contraintes majeures à l’installation.
Eclipsium : entretien avec Guillaume Groell, entrepreneur
Autre exemple de levier utilisé pour générer de la revisite : la narration !
Guillaume Groell est entrepreneur dans le secteur des loisirs indoor depuis 2015, date à laquelle il lance une enseigne d’Escape Game présente aujourd’hui dans cinq villes françaises (vendue en 2023). En 2021, il rejoint le conseil d’administration du SPACE (Syndicat Professionnel des Activités de Loisirs Indoor). Son profil allie créativité (écriture des scénarios), compétences techniques (électronique, code, impression 3d) et business (gestion, commercial, communication).

Guillaume, un mot sur le projet Eclipsium ?
Eclipsium est conçu sur le principe d’un action game compact en “tunnel”, c’est-à-dire que les pièces vont s’enchaîner les unes avec les autres sans passer par un espace commun. Il ouvrira cette année dans l’hyper-centre de Nantes avant un déploiement plus important.
Pour ce concept, j’ai cherché à me différencier par la narration et les décors pour une immersion maximale. Plutôt que de vivre une mission destinée à “sauver le monde”, chez Eclipsium on va jouer aux méchants !
Original en effet ! A quoi faut-il s’attendre ?
Eclipsium est une organisation secrète et la mission consistera à infiltrer un immeuble gouvernemental à la recherche d’informations sensibles. Plusieurs défis de 8 à 12 minutes seront proposés, comme du quiz, du lancer de balle sur écran interactif, un sol “grid” associé à des lasers muraux pour plus de difficulté ! Le but du jeu ne sera pas de gagner des points mais plutôt de ne pas en perdre car ils correspondent à l’armure des joueurs. En effet, toujours dans cet esprit d’immersion, il était peu probable qu’une équipe infiltrant un immeuble puisse « gagner des points ». L’expérience se termine dans une salle des coffres à fouiller via des mini-jeux. Cette salle n’a pas de porte de sortie. Mais là, je n’en dis pas plus !

Comment Eclipsium traite t’il le sujet de la revisite ?
Eclipsium déploie tout un narratif et une galerie de personnages incitant à la découverte et à la collection. Dans la salle des coffres, on pourra notamment trouver des cartes correspondant aux personnages de l’organisation secrète. Ces cartes seront renouvelées par saison et certaines tirées en quantité très limitées.
Mais c’est surtout par une seconde activité que l’on cherchera à créer de la revisite. En effet, Eclipsium sera également une Murder Party. Celle-ci sera fortement rejouable via plusieurs scenarii très riches, toujours dans l’univers de cette société secrète. Il s’agira cette fois-ci d’assister au Congrès Annuel de l’organisation et de démasquer le membre … qui a fait une bonne action !
Comment l’expérience va t’elle fonctionner ?
La Murder Party pourra être organisée n’importe où, sur le site d’Eclipsium ou dans des entreprises. 10 à 30 joueurs pourront évoluer simultanément, chacun ayant un badge reprenant un des personnages de l’univers. Les joueurs pourront interagir entre eux bien sûr mais aussi avec l’environnement, au travers de petits sites internet détournés pour l’occasion (Le Bon Coin devient ainsi Le Méchant Coin, etc,…)
Merci à Sarah et Guillaume et très bonne ouverture !
Crédit : image de titre empruntée au Sports Bar australien Readys at the Doylo.