Deux mois après le début de la crise sanitaire du covid-19 ayant conduit à la fermeture des lieux publics et au confinement de la population, la situation reste confuse. Le lundi 11 mai à vu la fin du confinement et l’entrée dans une nouvelle ère de l’état d’urgence sanitaire permettant la reprise de certaines activités. Néanmoins, déplacements, rassemblements et accueil de public sont encore restreints ou limités au moins jusqu’au début du mois de juin.
Quotidiennement, des annonces officielles du gouvernement répondent à des conclusions d’étude du monde économique. Quotidiennement, l’invitation au redémarrage s’oppose aux appels à la création d’un « monde d’après ». Les grandes agglomérations sont au cœur de la problématique par leur densité de population, leur cosmopolitisme, et par leurs nombreuses opportunités de rencontre et d’expériences en commun. Pris dans la tourmente, les lieux de loisirs et de divertissement qui incarnent une certaine manière de vivre la ville sont en difficulté.
Cette publication est l’occasion de revenir sur les deux impensables mois écoulés et de tenter d’y déceler quelques perspectives pour ces lieux spécifiques.
Annonces officielles : des mesures restant à concrétiser
Depuis le début de la crise, le Président de la République ainsi que le gouvernement ont répété leurs messages de soutien aux professions concernées de la restauration, de l’hôtellerie, du tourisme et des loisirs. Des mesures immédiates de soutien ont été annoncées le 24 avril dernier et un plan de relance impliquant plus d’un milliard d’euro d’investissement a été annoncé le 14 mai. Le second parc à l’étude depuis plusieurs années sur le site du Futuroscope devrait notamment enfin voir le jour.
Néanmoins, si les mesures de soutien ont été générales, il est d’ores et déjà annoncé que les mesures de relance seront nécessairement sélectives et conditionnées à un certain nombre de critères, notamment environnementaux.
Lors de l’annonce du plan de déconfinement, certains lieux de proximité et de faible attraction (petits musées, monuments, petits zoo, ….) ont eu la possibilité de rouvrir sous réserve de la bonne application des mesures sanitaires. La plupart des parcs et jardins publics ont également pu rouvrir mais en interdisant l’accès aux espaces sportifs et aux aires de jeux pour enfants. Pour les autres lieux, plus vastes ou plus fréquentés, il faudra attendre fin mai, quand seront annoncé les prochains lieux qui auront le droit d’ouvrir au public.
A retenir pour les loisirs urbains :
A court terme, un soutien affirmé mais une attente qui reste forte quant aux dates de réouverture des lieux de divertissement et des conditions d’exploitation associées. A long terme, un signal fort de confiance et d’investissement associé à des incertitudes quant aux bénéficiaires.
Pour les loisirs installés dans les centres commerciaux, les destins sont liés car les dates de réouverture pourront être différentes (fermeture confirmée jusqu’au 10 Juillet pour les plus grands lieux de commerce).
Loisirs et tourisme demain : résilience, proximité et responsabilité
De nombreux acteurs et spécialistes du tourisme, de la culture et des loisirs ont produit de nombreuses études ou textes permettant de contribuer à définir une vision de l’après. Parmi elles :
La très complète étude Horwath HTL pour BPI France pointe, concernant les lieux de loisirs, des conséquences lourdes à court terme par la perte de chiffre d’affaire mais une capacité forte à rebondir du fait du report en France de séjours programmés à l’étranger, dès que les conditions de réouverture seront confirmées.
Dominique Hummel, expert tourisme et ancien président du Futuroscope, indique dans une interview que l’avenir associera « la confiance à la décongestion » et qu’elle impliquera une meilleure répartition des activités de tourisme dans l’espace et le temps : plus de « destination » et plus de « saisons ». Il incombera à ces nouvelles destinations en devenir de susciter une promesse de rêve, de dépaysement et d’expériences.
Dans cet éloge de la proximité, Jérôme Fihey (gérant du Crabe Fantôme et du Cabinet de Curiosité à Nantes) va plus loin en insistant sur le rôle des petits attracteurs, des évènements et de la médiation humaine dans la découverte de ces nouvelles destinations et en invitant à déplacer les expériences (exposition, œuvres, créations immersives, …) plutôt que les publics.
La revue Espaces a consacré son édition d’avril sur le « Staycation / Locatourisme ». Mais c’est purement par coïncidence car cette édition était en préparation depuis novembre dernier. Une contribution de Funfaircity sur les attractions urbaines y figure faisant le lien entre le locatourisme et les nouvelles opportunités de divertissement des villes (payant).
L’évènement Leisur’Up, toujours programmé pour novembre à Cannes a organisé une série de webinaires dédiés à cette actualité : « Experiences of Tomorrow » avec des spécialistes du monde des attractions. La prochaine aura lieu le 27 mai et sera dédiée aux questions/réponses. N’hésitez pas à vous inscrire gratuitement.
A noter également plusieurs enquêtes lancées ou en cours comme :
- L’enquête (conclue) de TLC Marketing sur les prévisions de consommations « post-confinement » montre une forte volonté de retourner aux sorties et loisirs avec peu d’envie de voyage.
- L’enquête (conclue) « Loisirs Indoor» conduite par quelques professionnels engagés du secteur avec l’appui du syndicat SPACE met en évidence les difficultés auxquelles sont confrontés les entrepreneurs du secteur.
- L’enquête (en cours) du CNAM et de l’UFR ESTHUA Tourisme et Culture (Université d’Angers) est également adressée aux professionnels du secteur.
A retenir pour les loisirs urbains :
Loisirs de proximité basé sur des fréquentations limitées, les attractions urbaines françaises semblent donc disposer de perspectives rassurantes pour la fin d’année et après. Elles devront peut-être contribuer de manières plus active à l’attractivité de nouveaux territoires et offrir des expériences plus en phase avec les nouvelles attentes des visiteurs notamment en terme de qualité malgré les contraintes sanitaires.
Du côté des grands sites de loisirs : quelques enseignements ?
Disneyland Shanghai a rouvert ce lundi 11 mai avec plusieurs restrictions dont un accueil journalier réduit à 30% de ces capacités, des mesures d’hygiène et de distanciation et l’annulation de certains évènements, parades et spectacles.
Europapark, en Allemagne mais proche de la frontière française, va rouvrir le 29 mai, sur réservation uniquement. Une application dédiée est censée « rendre ludique » la distanciation. La mise en vente a déjà provoqué une saturation du service, ce qui est presque une « bonne nouvelle » quant aux attentes du public. Succès immédiat également pour l’ouverture des réservations du parc néerlandais Efteling, à 25% de sa capacité.
En France, la situation est moins claire et les professionnels du secteur, via leur syndicat (SNELAC), appellent à une meilleure considération des spécificités de leur métier, à un traitement équitable entre les différents lieux d’attraction et à un délai de prévenance lié à l’inertie de mise en route de tels lieux.
Les publications des spécialistes du secteur indiquent que les expériences des parcs vont être fortement modifiées du fait de la crise. Les réservations deviendront la règle, pour les accès, la restauration et même les attractions afin de réduire le recours aux files d’attentes, où le respect des distances est problématique. Il s’agit là une évolution déjà initiée mais qui va probablement devenir la règle en associant de plus en plus une application mobile à l’expérience de visite. De nouveaux modèles sont à inventer en ce qui concerne les grands rassemblements habituels des grands parcs (parades, spectacles, …).
Les réductions de capacité occasionneront soit une baisse de la fréquentation qu’il faudra compenser, soit le besoin d’une répartition optimale de cette fréquentation dans l’année.
A retenir pour les loisirs urbains :
Les loisirs urbains fonctionnent souvent sur un modèle de réservation et non de visite spontanée (escape games, VR, …). Ceux qui n’y ont pas recours (aires de jeux pour enfant, salles d’escalade, trampoline parcs, …) vont peut-être franchir le pas.
Ils sont par ailleurs peu générateurs de grands flux, sauf les attracteurs touristiques d’importance, qui devront alors mieux organiser leurs visites pour accepter les réductions de capacité.
Enfin, l’essentiel et le plus difficile sera de maintenir une qualité d’expérience malgré les mesures sanitaires.
Association, syndicats, médias professionnels : un rôle majeur
Cette période de crise fut propice à l’action, sous les projecteurs ou bien dans l’ombre de tous les grands syndicats et associations professionnelles du secteur (SNELAC, SPACE et SLA pour la France, IAAPA pour l’international). Tant pour parler d’une seule voix pour mieux se faire entendre, tant pour coordonner ses actions ou pour diffuser de bonnes pratiques.
Ces actions collectives ont notamment conduit à :
- Mieux connaitre certaines activités de loisirs en faisait parler d’elles (étude « Loisirs Indoor » mentionnée ci-avant).
- Initier et amplifier des pétitions dont une appelant à l’annulation des charges pour les activités ayant dû fermer au début de la crise et une seconde appelant à la responsabilité des assureurs.
- Définir des guides pratiques pour adapter les activités aux nouvelles contraintes, notamment sanitaires (portail du SNELAC, ressources IAAPA, publications dédiée de Blooloop dont celle-ci dédié à la Réalité Virtuelle, …)
A retenir pour les loisirs urbains :
Plus que jamais face à ces épreuves, il est démontré que l’union fait la force. Les loisirs urbains de tous les types ont plus que jamais intérêt à exister ensemble comme composante de la ville afin d’être mieux considérés et représentés. Ce que Funfaircity encourage et contribue à générer depuis sa création.
Gestion d’entreprise : une équation insoluble
Malgré les mesures de soutien annoncées en France et dans l’attente de la réouverture, les risques de faillite restent nombreux si les équilibres ne sont pas trouvés entre absence de chiffre d’affaire et charges (dont loyer) maintenues.
Coté clientèle et fréquentation (chiffre d’affaire) :
Après la question centrale de la date de réouverture, des interrogations légitimes se posent quant à l’envie de loisirs après le confinement. Si globalement cette envie semble bien être présente, elle pourra se manifester de manière différente d’un lieu de loisirs à un autre. Parcs zoologiques, cinéma, piscines et parcs aquatiques, escape game, clubs de sport, ou encore aires de jeux pour enfants,… chacun va offrir un rapport « envie » / « risque perçu » qui n’est pas évident à anticiper du fait de nombreux paramètres : « suis-je avec des proches de confiance ou avec des inconnus ? », « suis-je dedans ou dehors ? », « les gestes barrière sont-ils applicables pour moi ou mes enfants,… ? », …
Les entreprises, quant à elles, vont probablement restreindre un certain temps leurs activités team building et incentive pour des questions de responsabilité, privant ainsi plusieurs lieu de loisirs d’une partie de leurs ressources.
Pendant le confinement, une initiative d’achat anticipée a été lancée pour les commerces de proximité. En attendant de connaitre les conditions d’ouverture, une démarche similaire peut être appliquée aux loisirs urbains, souvent réservables et payables à l’avance. Cela peut être une manière d’améliorer la trésorerie des entreprises.
Coté locaux et emploi (charges) :
Coté locaux et bailleurs, on peut observer autant de solidarité (suspension des loyers par Ceetrus, création d’un fond d’accompagnement par Frey) que de rapacité (saisie sur compte bancaire vécue par Arkose Massy de la part de son bailleur,…).
Coté emploi, si certains pays ont appliqué massivement des mesures de chômage partiel, d’autres n’ont pas eu cette faculté. Saluons donc cette initiative, qui permet une mise en relation facilitée entre offre et demande d’emploi pour les loisirs aux USA, afin d’anticiper la reprise.
Enfin, de nombreux regards se tournent maintenant vers les assurances, accusées pour certaines de ne pas assumer leur rôle pendant cette crise.
A retenir pour les loisirs urbains :
Une équation difficile à résoudre en l’absence d’une perspective de réouverture, de mesures fortes (annulation des charges) et de vision quant à la confiance des visiteurs sur le reste de l’année. Des initiatives comme Jouons en confiance pourraient aider.
Des évènements reportés ou modifiés, peut être durablement
Du fait de l’affluence et des mouvements de population qu’ils génèrent, les grands évènements et rassemblements, qu’ils soient festifs, professionnels, culturels ou universels (comme les Jeux Olympiques de Tokyo ou l’exposition universelle de Dubaï) sont considérablement impactés car ils sont tous annulés, au moins jusqu’à début septembre, et reportés lorsque cela est possible. Leur reprise d’activité sera probablement la plus tardive car les autorités risquent de rester frileuses à l’idée de brasser à nouveau autant de population. Et il reste possible que leur modèle soit remis en question.
Si un salon comme Laval Virtual a basculé, de manière pour le coup très cohérente, en 100% virtuel, une expérience « en ligne » ne remplacera jamais une expérience réelle pour la plupart des grands événements et rencontres mondiales.
Pour contrer le problème de la taille des évènements, on peut esquisser un scenario de fragmentation de grands événements en des entités plus locales et connectées entre elles.
A retenir pour les loisirs urbains :
Des impacts pour les lieux à la fréquentation importante et donc l’activité annuelle est basée sur des grands événements (parcs d’attractions urbains, grandes expositions, monuments,…).
Une opportunité peut être de profiter de cette fragmentation et d’une possible « re-localisation » d’évènements ou de grandes expositions.
Malgré la crise, des projets qui avancent
Cette période difficile a toutefois vu des poursuites de développement et des reprises d’activité. Voici quelques bonnes nouvelles piochées dans l’actualité :
- City Surf Park au Groupama Stadium de Lyon a repris son chantier (ouverture programmée en janvier 2021 contre septembre 2020) ainsi qu’Up2Play aux Sables d’Olonnes.
- Koezio (Aventure indoor), Meltdown (Bar eSport), Zero Gravity (Chute Libre, Futuroscope) lancent des recrutements pour de nouvelles activités.
- Un nouvel Escape Game de Dama Dreams ouvrira normalement en Juin à la Baule
Egalement, les derniers bilans de veille des mois de Mars et d’Avril ont montré qu’il y’avait bien une actualité hors du coronavirus !
A retenir pour les loisirs urbains :
De belles raisons d’y croire et de se projeter dans l’avenir !
Loisirs et confinement, sources d’inspiration et ressources d’initiative
Enfin, on notera que le confinement a organisé un rapport au lieu de vie bien diffèrent ces deux derniers mois. Des idées permettant de pallier au besoin vital de divertissement ont émergé de partout. Et il convenait d’en garder une mémoire avec cette petite sélection de ce qui a été observé, selon différentes échelles de lieu :
Sur le poste de travail : On a vu des carnets de coloriage créés pour l’occasion par des fabricants de toboggan aquatiques (Proslide), des Escape Game en ligne (Eludice) et du Team Building « spécial confinement » (Teambreak : Mission World Tour, via Zoom pour 6 à 9 joueurs), un guide des experiences immersives « a distance » (No Proscenium),…
A la maison : On a vu des attractions « Disney » recrées à domicile par des fans pour de savoureuses vidéos, des simulateurs de montage russe improvisés devant la télé, des expositions dématérialisées (TEO Experience Gallery) et même des œuvres immersives (dont Aura de Moment Factory), un retour en grâce du puzzle, un guide « Merlin Entertainment » du divertissement à la maison, un escape game à recréer chez soi (1909, diffusé via la presse locale),…
Dans sa résidence : des espaces communs comme pelouses et stationnement ont été transformés en espace de sport ou de jeu. Ce cours de fitness dans cette résidence espagnole a fait le tour du net.
Dans son quartier ou un peu plus loin : les projections en plein air du cinéma « La Clé » dans le 5e, le retour du cinéma en Drive-In, des jeux et articles sportifs vendus dans des boutiques ayant le droit d’ouvrir (« hybridation » commerciale : des jeux dans une Pharmacie, présentoir « Decathlon » en supermarché…), des lieux publics habituellement peu fréquentés ont servi d’alternatives aux jardins, alors fermés, …
A retenir pour les loisirs urbains :
La démonstration du rôle crucial des loisirs et du divertissement en temps de crise ainsi que la preuve que l’on peut disposer de beaucoup de ressources, dans sa ville ou juste à proximité de chez soi.
Conclusion
Au delà de toutes les interrogations restant encore d’actualité à l’heure de cette publication, une question supplémentaire pourrait s’ajouter : de tous les grands changements annoncés ou déjà amenées par cette crise sanitaire inédite, lesquels subsisteront lorsque, espérons le, ce virus ne sera plus une menace ?
Cette publication est maintenant scellée et sera rouverte dans un an, afin de voir où nous en sommes…
#AttractionsUrbaines
#IndispensableDemain !
Bon courage à tous.