Dans de nombreux lieux de loisirs urbains, des espaces souvent perçus comme « accessoires » sont maintenant devenus « essentiels » à l’exploitation. Anthony Mugnier, récemment diplômé en management et marketing du sport à l’INSEEC Chambéry et passionné de sports indoor nous livre son analyse sur une composante sous-estimée des attractions urbaines, les espaces dits « annexes ».

Les sports et loisirs indoor sont devenus de véritables lieux de vie et de partage en France. Selon une étude de l’Union Sport & Cycle en 2020, il existe près de 10 000 établissements de sports et loisirs marchands en France, pour 17 millions de clients adultes et enfants par an. C’est un secteur dont on parle peu, mais qui se développe et évolue rapidement, notamment dans la gestion des structures et des différents services mis en place par les exploitants. Mais au-delà de l’attraction proposée, ce sont les espaces annexes qui gravitent autour de l’activité qui suscitent la convoitise. Ils constituent véritablement le lien entre les citadins et les loisirs, tout en étant essentiels au développement économique des structures.

« Après l’effort, le réconfort ». On pourrait caractériser une partie de ces espaces par cette expression, mais pas seulement. Du moins plus maintenant !

Pour les définir, on pourrait parler d’un espace ou service qui permet de proposer une prestation supplémentaire avant, pendant et/ou après la pratique d’une activité de loisir. Ils contribuent à l’amélioration de l’expérience client en apportant une valeur ajoutée à l’activité principale.

Les acteurs cherchent à créer un environnement axé sur la convivialité autour de leur activité. Ils s’appuient sur des services de qualité pour créer un lien indéfectible entre les habitants et les loisirs. Les centres Le Five (complexe de foot à 5 et padel notamment) peuvent recevoir dans certains centres, comme celui de Bordeaux, près de 150 personnes dans l’espace bar chaque soir. C’est un lieu de vie et de partage à part entière. Mais il existe une multitude de services annexes parfois inédits pour proposer une offre complémentaire aux visiteurs.

C’est alors qu’on peut s’accorder un diner d’après-match avec ses amis (restaurant chez Koezio, parc d’aventure indoor), 15 minutes de détente dans un sauna (salle d’escalade Climb Up d’Aix – Bouc-Bel-Air) ou encore profiter d’une soirée d’entreprise les pieds dans le sable pour présenter un nouveau projet à ses collègues (complexe de sports de sable indoor Sand Fabrik près de Paris). Tous les prétextes sont bons pour rendre une activité inédite, découvrir un concept insolite ou tout simplement passer plus de temps avec ses proches.

De l’accessoire à l’essentiel, la contribution au chiffre d’affaire

Du côté des exploitants, ils deviennent même indispensables tant au niveau économique que marketing. Ils génèrent parfois 50% du chiffre d’affaires – en fonction de l’activité principale – de la structure, et même jusqu’à 60% quand l’événementiel s’y intègre. C’est un élément indissociable du loisir, souvent nécessaire à la pérennisation des structures. Aujourd’hui, la grande majorité des acteurs doivent s’appuyer sur les espaces annexes pour générer suffisamment de revenus nécessaires à la bonne santé économique de leur enseigne.

Il faut dire qu’ils apportent un grand nombre d’avantages et de possibilités d’usage :

  • C’est une interface qui peut justifier la visite d’un groupe pour un projet professionnel, un anniversaire ou un EVG / EVJF. Wave Surf Café (complexe de vague artificielle indoor à Bordeaux et Perpignan), propose des formules pour les EVG / EVJF et anniversaires comprenant la privatisation de l’espace, un moniteur pour apprendre à surfer la vague et la possibilité de faire appel à un traiteur.
  • D’autre part, ils permettent de faire durer et consommer les visiteurs sur le lieu de l’activité. Pour les acteurs, c’est une manière de faire augmenter le panier moyen et de proposer des offres supplémentaires pour satisfaire les visiteurs.
  • Ils permettent aussi de lisser la fréquentation en semaine, notamment grâce au restaurant sur place, ou encore aux salles de séminaire pour la clientèle B to B. Quand la clientèle grand public est généralement pratiquante pendant son temps libre, soit en fin de journée et week-end, un restaurant et un espace dédié aux entreprises peut permettre d’accueillir cette clientèle sur des plages horaires différentes, permettant ainsi de compléter les créneaux moins utilisés.
  • C’est aussi une manière de gérer les flux de visiteurs. Chaque instant doit être une expérience agréable, et des services peuvent être proposés pour faire patienter les joueurs en attendant leur créneau, ou occuper les amis et parents venus accompagner les participants. Pour faire face à cette problématique, Illucity (établissement d’aventure en réalité virtuelle à Paris) propose un mini bar et des jeux d’arcade version retro à l’accueil de la structure.
Gérer ses flux en rendant l'attente ludique et agréable : borne de jeu retro chez Illucity
Gérer ses flux en rendant l’attente ludique et agréable : borne de jeu retro chez Illucity

L’expérience peut encore devenir plus immersive grâce à ces services et faire plonger le spectateur dans un univers propre à la structure. Le complexe E-motion à Annecy (salle de simulation automobile) propose en complément de son activité, une exposition de voitures de collection sur le même lieu. C’est aussi une manière de rendre son activité plus immersive et de créer l’effet « waouh » qui comblera les visiteurs.

Quel mode de commercialisation pour ces espaces ?

Les espaces et services annexes sont commercialisés de différentes façons, en fonction de la typologie du bien ou encore des objectifs de la structure. Ils représentent une offre complémentaire qui permet de proposer un packaging complet, notamment pour la clientèle B to B.

On retrouve chez nos acteurs du loisir indoor différents procédés de commercialisation de ces espaces. D’une part, et de manière courante, on observe principalement une communication importante de leur existence. Le public concerné doit être au courant des possibilités offertes, et c’est par les différents supports de communication (site internet, réseaux sociaux, flyer etc…) que les exploitants se démarquent et embellissent leur établissement. C’est le premier critère observé qui permet à une entreprise de contacter une structure pour l’organisation d’un événement particulier. A titre informatif, Urban Kart’in (complexe de karting électrique en Haute-Savoie) a pu recevoir, dès sa première année d’exploitation, la sollicitation d’une vingtaine d’entreprises pour organiser une sortie de fin d’année, sur les mois de novembre et décembre, sans aucune démarche de prospection.

Le second point observé représente justement la prospection. Il y a des activités qui en nécessitent une (notamment pour la clientèle B to B) pour commercialiser leurs espaces. Selon l’activité, on n’imagine peut-être pas toujours les possibilités envisageables et certains établissements ont besoin de prospecter les entreprises pour commercialiser leurs espaces annexes. C’est le cas de l’entreprise Ifly (chute libre indoor) où un commercial est en charge de développer la clientèle B to B par la commercialisation des espaces annexes.

En complément, d’autres établissements utilisent ce qu’on appelle les « venues finders« . Ces agences spécialisées s’occupent de commercialiser vos espaces annexes à votre place en les proposant directement aux entreprises susceptibles d’être intéressées, en contrepartie d’une commission sur la prestation. Nous pouvons citer Kactus ou Bird Office par exemple. C’est une solution envisageable pour les structures souhaitant développer sa clientèle B to B, ou à la recherche de notoriété, surtout en phase de lancement d’un projet.

Les conditions pour en faire des atouts

Nous avons vu que ces services annexes représentaient une part très importante dans le budget de certains complexes. Ils sont également l’offre supplémentaire qui crée la différence par rapport à un concurrent, ou qui vient compléter l’activité principale pour l’optimiser. Il est donc primordial de les développer et d’en faire des atouts. Pour cela, deux leviers principaux sont mentionnés par les acteurs de ce marché :

  • Rendre ses espaces modulables

L’adaptabilité et la modulation sont les maîtres-mots de ces espaces. Prenons l’exemple du complexe de sports de sable Sand Fabrik (Pantin) : Une mezzanine de 300m2 est disposée à l’étage, qui peut très bien convenir pour augmenter la capacité du restaurant, accueillir un cours de yoga ou encore disposer d’une réunion de présentation d’un produit d’une entreprise. On peut donc imaginer que tout espace qui est fixe n’est pas pleinement utilisable pour répondre à toutes les demandes. Outre cet avantage de diversification, la modulation est aussi une manière de définir la taille idéale à ses services annexes. Parce qu’on le sait, si la demande de pratique de sports et loisirs est trop importante, ou au contraire trop faible pour rentabiliser l’activité, une structure avec des espaces fixes pourra difficilement s’adapter à cette demande. Elle devra probablement entreprendre des travaux ou des investissements supplémentaires si la taille des espaces est mal proportionnée, contrairement à une structure qui dispose d’espaces modulables.

  • Créer un décalage

Un décalage entre l’environnement et la fonction du lieu est souvent observé, notamment pour les espaces qui accueillent des entreprises. Autrement dit, les entreprises cherchent des espaces différents de leur lieu de travail habituel quand un événement spécifique ou ponctuel intervient : L’accueil d’un nouvel employé, la présentation d’un nouveau produit, une réunion exceptionnelle etc… Typiquement, Sand Fabrik propose aux entreprises la réalisation de séminaires les pieds dans le sable. Le décalage est omniprésent. C’est ce qui permet de rendre l’événement exceptionnel et mémorable pour l’ensemble des convives, salariés comme clients ou prospects. Le critère principalement recherché par les intéressés est donc le décalage par rapport au lieu dans lequel les travailleurs ont l’habitude d’aller.

D’autre part, et du point de vue des structures de loisirs indoor, c’est aussi ce qui permettra de rendre son espace atypique, identitaire et de se démarquer de la concurrence. Créer un décalage est tout aussi important pour le bar ou l’espace de restauration. Ce sont des lieux qui se retrouvent ailleurs dans la ville, et il faut pouvoir donner une bonne raison aux visiteurs de revenir profiter des services de la structure. Ils doivent pouvoir s’approprier les lieux lors de leur venue. On retrouve par exemple chez Hapik (salle d’escalade indoor familiale) un naming de l’espace, une décoration propre à la marque et en lien avec l’activité, et généralement une vue sur la pratique sportive des enfants.

Design sobre et couleurs, l'espace de convivialité chez Hapik
Design sobre et couleurs, l’espace de convivialité chez Hapik

Un support favorable à l’organisation d’évènements

Un complexe de sports et loisirs indoor est souvent spacieux et aménagé de façon à pouvoir recevoir beaucoup de personnes. Ce sont des lieux de vie et de convivialité, et leur fonctionnement peut permettre d’organiser des évènements à travers leur activité. L’utilisation des espaces annexes représente alors un enjeu stratégique pour le développement d’événements, qu’ils soient ponctuels ou répétitifs. C’est un moyen de rentabiliser son activité, ou encore d’améliorer sa notoriété et son image. Sand Fabrik organise des événements en soirée dans son complexe de sports de sable, regroupant jusqu’à 700 personnes. Des « Beach Party » sont souvent organisées en soirée et suscitent beaucoup d’interactions sur les réseaux sociaux. C’est donc aussi un moyen de développer sa communication digitale et d’attirer de nouveaux adeptes.

Il est donc possible d’utiliser l’évènementiel pour optimiser le développement de l’activité. Dans un premier temps, c’est une manière de se faire connaitre auprès de ses potentiels clients. L’avantage principale des évènements est qu’ils peuvent être gérés entièrement par la structure, soit 100% personnalisables. De ce fait, proposer un thème précis pour un évènement permet d’attirer un type de clientèle cible. Un « AfterWork » attirerait une clientèle entreprise, une soirée « Beach Party » serait plutôt organisée pour une clientèle 16-25 ans. Cela représente donc un moyen très efficace de gain de notoriété vis-à-vis d’un public cible, en plus d’être une source de revenus supplémentaires.

Un événement festif dans un cadre totalement décalé, pieds dans le sable chez Sand Fabrik
Un événement festif dans un cadre totalement décalé, pieds dans le sable chez Sand Fabrik

Cette analyse nous amène au final à considérer les espaces annexes comme un enjeu réellement stratégique pour les enseignes de sports et loisirs indoor, avec un potentiel de développement économique et marketing très important. Au-delà de ces enjeux, c’est véritablement le maillon qui permet aux structures de créer le lien entre les habitants et le loisir dans un esprit de partage et de convivialité. Entre amis, en famille ou avec ses collègues, c’est la porte d’entrée aux moments de bonheur et d’expériences nouvelles, si important dans nos relations humaines. Cette logique de maillon ou de « sas » entre la ville et l’activité loisirs n’est pas sans appeler – et c’est un thème cher à Funfaircity – une analogie avec les attractions majeures des grands parcs à thème. En effet, celles-ci intègrent toujours, en plus de l’expérience principale :

  • un « pre-show » (introduction immersive destinée à mettre le visiteur en condition)
  • un « post-show » (transfert progressif vers la sortie, intégrant souvent la boutique de souvenirs et la disposition des photos « on-ride ».

En ville comme dans les grands parcs, ces transitions augmentent considérablement la qualité de l’expérience, offrent l’opportunité d’un partage même au-delà des seuls participants (le concept d’ « instagrammabilité » des lieux n’est pas bien loin) et elles peuvent être source de recettes complémentaires significatives pour l’exploitant.

L'espace de convivialité du tout nouvel Up2Play aux Sables d'Olonne.
L’espace de convivialité du tout nouvel Up2Play aux Sables d’Olonne.

Signe de cette considération, des références récentes de lieu multi-activité comme Up2Play (récemment ouvert aux Sables d’Olonne) ou Exalto (récemment ouvert à Lyon Dardilly) ont apporté un soin particulier au dimensionnement et au traitement de ces espaces. L’UCPA ne s’y est pas non plus trompé en programmant ce type d’espace dès le concept des « Sport-Station ».

Devenues maintenant indissociables des expériences de loisirs et indispensables à leur qualité, ces espaces « annexes » ne le sont définitivement plus !


Remerciements :

Le développement de cet article est très largement adapté du mémoire de recherche appliqué d’Anthony Mugnier intitulé « Les sports et loisirs indoor – Comment optimiser le développement des activités des sports et loisirs indoor en France ? ».

Anthony remercie les professionnels ayant pu échanger sur ce sujet dans le cadre de la rédaction d’un mémoire de recherche appliquée sur le thème des sports et loisirs indoor.

  • Thibault Spentchian – Co-fondateur du complexe de sports de sable Sand Fabrik.
  • Guillaume Debelmas – Co-fondateur de l’enseigne de foot à 5 Le Five.
  • Christophe Grosjean – Fondateur du karting électrique Urban Kart’in.

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Crédits photos :

  • Illucity, Hapik, Sand Fabrik, Exalto (en titre) : opérateurs des lieux cités.
  • Up2Play : © Journal des Sables